Du van au tarare
À chaque tâche son outil
Au XXe siècle, la moissonneuse-batteuse finira par les supplanter tous.
Du van au tarare
Dès la plus haute antiquité, l’homme a utilisé le van pour séparer du grain la balle et les impuretés. Attendant un jour de grands vents, il étendait au sol une grande toile et, muni de ce panier en osier tressé, large et plat, il projetait les grains en l’air, d’un geste alerte, pour laisser le vent emporter l’enveloppe tandis que le grain retombait sur le drap.
La mécanisation de l’opération apparaît très tôt en Chine, au début de notre ère, sous la dynastie Han, avec l’invention du tarare. Une telle machine ne fera son apparition en Europe qu’au début du XVIIe siècle. Contrairement à ce qu’on a longtemps cru, elle n’a pas été empruntée à la Chine, mais provient de deux foyers d’invention indépendants : les Pays-Bas, avec l’expansion de la production du sarrasin pour la consommation des classes pauvres des villes, et la région du coude Rhin-Danube, avec l’épeautre.
Importé en France par H.-L. Duhamel du Monceau, le tarare sera perfectionné tout au long du XIXe siècle par Dombasle, Gravier, Yoland, Touaillon, Vachon, Joly, Moutot, Nicéville et proposé alors, dans des versions variées, par les fabricants d’outils agricoles : Charles Jeannin à Mirebeau, Henri Chauvreau à Saint-Rémy-sur-Creuse, Pierre Guttin à Romans, E. Joulie à Valence...
Sous le vent d’oc
Le tarare, alias crible à vent, van mécanique ou traquinet tirerait son nom du bruit caractéristique qu’il émet en fonctionnant. P. Guiraud y voit plutôt une variante de tarière, en lien avec l’une des particularités techniques de la machine. En langue d’oc, on parlera de ventaire, ventadouiro ou vanaire, les deux premiers issus du latin ventus, « vent », le troisième du latin vannus, « van ».
Le Vauclusien Adrien de Gasparin, dans son Cours d’agriculture paru au milieu du XIXe siècle, donne une description détaillée de l’outil : « Le van est de plus en plus abandonné et a été remplacé presque partout par le tarare. Cette machine consiste en une caisse en bois renfermant un volant formé par quatre ailes, porté sur un axe horizontal, qui, par le moyen d’une manivelle pourvue d’un engrenage, tourne avec une grande rapidité et produit un courant d’air qui projette les corps légers (tels que la paille) par une ouverture supérieure placée en avant tandis que le grain tombe sur une trémie à laquelle la machine imprime un mouvement oscillatoire et s’amoncelle sous la machine. On la construit partout en ce moment et pour un prix qui, pour les plus parfaites, ne dépasse pas quatre-vingts francs.
Utilisation du tarare lors de la récolte du pois-chiche à Solliès-Pont.
Aussi en trouve-t-on de toutes les formes, et les plus petites exploitations peuvent en louer à la journée pour un prix assez modique. Un seul homme met en mouvement le tarare, mais il faut qu’il soit relevé de demi-heure en demi- heure, et même plus souvent. C’est donc le travail de deux hommes qu’il faut attribuer au tarare ; celui qui ne tourne pas s’occupe à charger la trémie et à ranger la paille. Le tarare peut être aussi organisé de manière à marcher par le moyen d’un cheval. Alors on peut, comme en Angleterre, faire l’opération du vannage pour 0,07 F par hectolitre.
Dans le Midi de la France, on emploie deux hommes et un enfant qui balaie la paille ; on paie 0,25 par hectolitre à la tâche. Un atelier ainsi composé peut passer cinquante à soixante hectolitres par jour. Il en coûte souvent plus du double avec le vannage à bras. »
Souvenirs
Dans Neiges d’Antan, le provençal Paul Cèze évoque avec lucidité l’épreuve du ventaire :
« Le pire était pourtant le vannage au tarare lou ventaire. Le grain en sortait net et luisant, si agréable à brasser à pleines mains, propre à être stocké dans les stalles de planches à usage de grenier avant de partir pour le moulin d’Allos d’où il reviendrait farine. Mais dans quel état hommes et femmes sortaient des granges, après la journée passée dans le nuage de poussière vomi par l’engin ! Cependant, ces épreuves paraissaient légères lorsqu’on avait dissipé la grande peur ancestrale de n’avoir pas assuré son pain pour l’année entière. »
Source
D'après : http://crpe-vailhan.org/documents/ressources/tarare.pdf
Bibliographie :
Paul Cèze, Neiges d’Antan, Cheminements, Coudray-Macouard 2007, pp. 52-53.
Adrien de Gasparin, Cours d’agriculture, Dusacq.