Épidémie de 1865,
Solliès-Pont
Solliès-Pont, archives communales
Registre des délibérations
Délibération du 12 décembre 1865
La séance continuant
M. le Maire à dit : « Messieurs,
L’épidémie cholérique qui vient de sévir si cruellement dans notre ville, a donné lieu de la part de quelques personnes à des actes de dévouement qui me plais à signaler devant vous, parce qu’elles méritent nos félicitations les plus chaleureuses.
Je parlerai d’abord de la conduite honorable et digne d’éloges par laquelle M. Dollieule, conseiller municipal, s’est fait remarquer pendant la durée du fléau ; cette conduite est la meilleure preuve que le conseiller ait pu donner de son zèle et de sa sollicitude pour le bien de notre pays.
M. Dollieule a été secondé de la manière la plus active dans l’accomplissement de sa tâche pénible par M. Gaillard, notre collègue qui, en ces tristes circonstances, n’a cessé de prêter spontanément son concours le plus généreux.
M. Audibert a rendu également des services et s’est dévoué en plus d’une occasion, notamment dans l’exécution de certaines mesures ayant pour but la salubrité publique.
M. Pellen, juge de paix, a toujours, malgré son âge avancé, contribué par sa présence dans les rues et sur les places publiques à relever le courage de la population.
Je vais enfin parler de M. Pey, secrétaire de la mairie, qui, ne se bornant point, comme il eut pu le faire, aux occupations de son bureau, a surtout consacré jour et nuit tous ses efforts à l’organisation des divers services nécessités par les circonstances, services qu’il serait trop long d’énumérer. Je dois ne pas laisser ignorer pourtant qu’il s’est prêté souvent de sa propre personne, et malgré ses diverses occupations, au transport des cercueils non seulement dans les rues, mais encore jusqu’au cimetière.
Je crois être, Messieurs, l’interprète des sentiments de la population tout entière, en vous proposant de voter aux personnes ci-dessus nommés, et à cause des preuves de dévouement qu’elles ont données, des remerciements et des félicitations.
Je désire maintenant appeler votre attention sur les trois médecins de première classe de la marine, M. Pellegrin, Lantoin et Terrin, qui, sur la demande de M. Auban, notre honorable conseiller général, ont été mis à la disposition de nos malades cholériques par les autorités maritimes de Toulon ; ces messieurs ne sont point venus à Solliès par ordre de leurs chefs ; le concours qu’ils nous ont prêté a été de leur part tout-à-fait volontaire ; ne conviendrait-il pas de leur témoigner la reconnaissance du pays auquel ils ont rendu de vrais services ? Ces honorables médecins ont en effet soigné beaucoup de cholériques ; mais de plus leur, leur arrivée à Solliès-Pont contribua puissamment à rassurer le moral de la faible partie de la population qui n’avait point émigré. On ne ferait d’ailleurs qu’imiter en cela ce qui, partout ailleurs, a été pratiqué en pareille circonstance, et particulièrement ce qui vient d’avoir lieu à Toulon.
Permettez-moi, messieurs, d’ajouter que le docteur Géry a non seulement partagé avec messieurs de la marine les fatigues du service médical, mais qu’il les a supportées avant l’arrivée de ces messieurs, ainsi que le regrettable M. le docteur Ginouvès et M. Gensollen Charles, notre compatriote, jeune étudiant de la faculté de médecine de Montpellier, c’est-à-dire dans les premiers jours de l’épidémie ; lorsque le fléau sévissait dans toute son intensité.
Je désire encore, messieurs, vous parler de diverses personnes de localité, qui volontairement et d’une manière très désintéressés puisqu’elles n’ont voulu accepter aucune rétribution, se sont signalés par des actes de dévouement et de courage.
Le service des inhumations était tellement en souffrance, (M. Gaillard et M. Pey pourraient vous le dire), que le jeudi matin, 28 septembre, près de 50 cercueils, qui devaient s’accroître de ceux qu’on apporterait dans la journée, gisaient dans le cimetière sans qu’on eut pu les mettre en terre. Cet état de choses devenait si dangereux pour la santé publique, que l’autorité supérieure avait été sur le point d’y remédier par des moyens qu’il eut été très pénible d’employer. Alors fut faite une publication ayant pour but d’obtenir le concours de quelques hommes de bonne volonté qui voulussent travailler au cimetière ou bien y transporter de la chaux.
Plusieurs personnes se présentèrent, et, sous la direction intelligente et courageuse de M. Troin, commissaire de police, qui pendant toute la durée de l’épidémie n’a cessé de payer jour et nuit de sa personne, se prêtèrent de leurs propres mains à un travail pénible et dangereux, qui eut pour résultat de donner la sépulture aux mort et de désencombrer le cimetière dont l’état était on ne peu plus inquiétant.
Ces personnes sont : messieurs Pratz, fabricant de vermicelles, Granet, marchand d’huiles grosses, Podesta, dit pin de la patroune : N’y aurait-il pas lieu d’encourager de pareil actes de sérieux dévouement ?
M. le Maire a répondu qu’il adhérait d’autant plus volontiers aux idées émises par son collègue M. Dollieule, qu’il s’était proposé lui-même de parler dans ce sens au conseil. M. le Maire est donc d’avis qu’il faudrait faire frapper une médaille pour chacun de messieurs les docteurs Pellegrin, Lantoin, Terrin et Géry, mais qu’il conviendrait aussi d’en offrir une à chacune des personnes qui se sont signalées pendant l’épidémie. Ainsi, ce témoignage de reconnaissance serait offert à M.M. Dollieule, Gaillard, Audibert, Pellen, Pey, M.M. Troin, commissaire de police, Gensollen, étudiant en médecine, recevraient également une médaille, ainsi que M.M. Pratz, Granet et Podesta.
Enfin on pourrait encore en accorder une dans le but d’encourager le dévouement à quelques personnes qu’il va nommer.
M. le Maire rappelle d’abord les services rendus par M. Emile Pey, dont le zèle et le courage avaient été signalés déjà à M. le Sous-préfet, et qu’on a vu plus d’une fois, malgré son jeune âge, transportant les malades à l’hospice ainsi que des cercueils à l’église et au cimetière. M. Pey a surtout travaillé de la manière la plus active au service du secrétariat.
M. le Maire rappelle ensuite ceux rendus par M. Garcin, serrurier qui à pris part gratuitement aux travaux ayant pour but le transport de la chaux au cimetière et qui s’est signalé également par d’autres actes de dévouement.
Enfin, dit M. le Maire, il me reste à vous parler de deux personnes qui, selon moi, auraient des titres à recevoir une médaille ; ce sont M.M. Constant et Simon Marius, dit briset.
La première non seulement soigné plusieurs cholériques qui sans lui auraient été privées de secours, mais il s’est plusieurs fois employé très utilement pour aider au service médical en général, en faisant, sans aucune rétribution, plusieurs voyages pendant la nuit comme pendant le jour, soit à Toulon pour y aller chercher de la glace, soit dans les campagnes pour y transporter les médecins.
La seconde de ces personnes, M. Simon Marius a fait à travers les rues désertes de notre ville une publication ayant pour but d’engager les habitants de bonne volonté à se rendre au cimetière pour y travailler aux inhumations des décédés cholériques. En outre ce courageux jeune homme a conduit le tombereau chargé de cercueils et s’est rendu utile en plus d’une circonstance.
M. le Maire a ajouté que le décès de M. Ginouvès ne permettant pas d’offrir à cet honorable médecin une médaille si bien méritée, il proposait d’ériger sur son tombeau, aux frais de la commune, un monument destiné à perpétuer le souvenir des services rendus par M. le docteur Ginouvès, dont la perte est d’autant plus regrettable pour nous qu’il était notre collègue au conseil municipal, aussi bien qu’administrateur de l’hospice.
M. Dollieule tout en approuvant les propositions de M. le Maire en ce qui concerne le tombeau de M. Ginouvès et le vote des médailles destinées à certaines personnes de la localité, a dit : « Messieurs, le vote des remerciements et de félicitations que vous avez bien voulu exprimer au commencement de la séance est parfaitement suffisant, et en l’état peu prospère des finances de la commune, je suis d’avis que le conseil se borne à voter des médailles en faveur des personnes qui n’occupent point de fonctions publiques, et ne font point partie de l’Administration communale ; vous éviterez ainsi une partie de la dépense qu’entrainerait la fabrication de ces médailles ; vous n’aurez surtout pas à craindre les inconvénients attachés ordinairement aux questions de cette nature, inconvénients résultant de l’oubli involontaire de quelques services rendus, sans compter ceux provenant des interprétations au moins erronées que le public n’est que trop souvent porté à faire en pareille occasion. Veuillez donc, Messieurs, pour ce qui me concerne personnellement, ne pas me comprendre dans le nombre des médailles.
D’autres membres ont ensuite pris la parole pour démontrer qu’il convenait au contraire d’étendre la mesure aux conseiller municipaux et aux fonctionnaires plus haut nommés, et après avoir agité la question pendant quelques instants, le Conseil à l’unanimité des votants (M.M. Dollieule et Audibert n’ayant point pris part au vote, M. Gaillard étant absent) a décidé ce qui suit :
Considérant que l’épidémie cholérique a relaté cette année à Solliès-Pont une intensité peut-être sans exemple en France, puisqu’en huit ou dix jours seulement la mortalité y a été bien plus grande proportionnellement que dans les autres villes où le fléau a sévi pendant plusieurs mois ;
Considérant qu’il est juste d’accorder aux médecins qui ont soignés les malades, ainsi qu’aux conseillers municipaux, fonctionnaires ou autres personnes qui on rendu des services dans ces tristes circonstances, un témoignage de la satisfaction et de la reconnaissance publique,
Dit qu’il y a lieu de faire frapper, savoir :
2° - huit médailles aussi en or, mais de moindre dimension, à M.M. Pellegrin, Lantoin, Terrin, et Géry, médecins, Gaillard et Audibert, conseillers municipaux, Pellen, juge de paix et Pey, secrétaire de mairie. etc
3° - trois médailles en argent à M.M. Troin, commissaire de police, Gensollen, étudiant en médecine et Pey Émile.
Et 4° six médailles aussi en argent, mais d’un plus petit module, à M.M. Podesta, Pratz, Granet, Garcin, Constant et Simon ____
Dit aussi qu’il y a lieu d’ériger, au frais de la commune, un monument sur la tombe du regrété M. le docteur Ginouvès, conseiller municipal, administrateur de l’hospice, mort du choléra dans l’exercice de sa profession,
Vote, sauf l’approbation de M. le Préfet, la somme de onze cent francs.
M. le Maire a dit ensuite qu’il ne voudrait point lever la séance sans rendre hommage au dévouement éclairé avec lequel les religieuses de Ste Marthe, attachées à notre hospice ont soigné les cholériques confiés à leur charité, ainsi qu’au zèle et à la sollicitude dont Mr Davin, curé de notre paroisse, M.M. les vicaires Gensollen et Aurrens et M. l’abbé Gueit ont fait preuve dans l’accomplissement des devoirs de leur saint ministère pendant l’épidémie.
M. le Maire termine en disant qu’il lui paraîtrait convenable de faire une mention honorable des personnes qui à divers titres ont aussi rendu des services à leur pays.
M.M. les membres du conseil confèrent entr’eux à ce sujet, et décident que cette mention honorable est accordée en témoignage de satisfaction à M.M. Arène, membre du bureau de bienfaisance, Aiguier Charles, Ardouvin Honoré, maçon, Gaugier Hilarion et Troin, fils.