L’auteur du rapport
Jean, André Floquet, de Cadenet, (Vaucluse), architecte ingénieur hydraulique à Aix-en-Provence, fut chargé par ordonnance du parlement de Provence en novembre 1740 d'établir un rapport concernant le procès entre les syndics des arrosants des quartiers de Sarraire, de la Tourre et de Cadouire et messire Jean d'Artuard de Mur, chevalier des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur de Beaulieu contre les frères Blin et les syndics des arrosants des quartiers des Sauvans. Rapport établi entre décembre 1740 et janvier 1741.
Canal de l'Enclos, 1849.
Le canal de l’Enclos
« Ce canal ou béal dérivé du barrage des Messieurs va en élargissant immédiatement après l'endroit de la prise, ce que nous avons dit être au levant de cette écluse, de manière que quelques cannes après, sa largeur est d'environ 20 pans(5) (4,97 m) ayant été coupé obliquement dans cet espace par un pont qui continue une grande allée de peupliers qui le traverse.
Le cours de ce canal à commencer à l'endroit de sa prise, est dans le parc du seigneur de Solliès et du couchant au levant presque en ligne droite pendant environ huit toises(4) de longueur (15,89 m) après lesquelles il se replie du côté du midi par une ligne courbe irrégulière longue d'environ dix-sept cannes(3) (33,8 m) conservant toujours une pente convenable et une largeur fort inégale roulant en général de 18 à 20 pans (4,47 à 4,97 m). Pendant les quinze cannes (29,82 m) suivantes ce canal n'a plus que la largeur d'environ 13 pans (3,23 m), laquelle est ensuite réduite à celle de quatre pans et demi (1,12 m) par des murs à pieds droits formant une martellière sans autre issue que le canal même c'est-à-dire qu'elle sert apparemment à arrêter les eaux des égouts quand on récure le béal en dessous.
Le volume d'eau qui passe par cette martellière n'a ordinairement que trois pans et demi de hauteur et d'épaisseur (0,87 m) mais la quantité de l'écoulement se trouve compensé par la rapidité du courant en cet endroit rétréci.
Vestige de l'ancien canal de l'Enclos.
Le canal des Terrins dérivé du béal principal
À 75 cannes (149,15 m) après et du côté du levant de ce canal est la prise de celui des Terrins qui forme un angle obtus avec le canal ci-dessus. De cette prise laquelle est large de deux pans quatre pouces(6) (0,61 m) et n'a ni feuillure, ni coulisse, ni vanne, c'est-à-dire qu'elle est disposée comme ne devant jamais être bouchée. La largeur du béal pendant cette longueur de 75 cannes est de plus ou moins 18 pans (4,47 m).
Martellière (vues amont et aval) sur le canal de l'Enclos avec jauge et grille de protection.
Suite du canal de l’Enclos
À neuf pans (2,24 m) en dessous de cette prise du canal d'arrosage des Terrins, le béal est rétréci jusqu'à cinq pans et demi (1,37 m) par le moyen d'une martellière qui le traverse et qui ne donnait lors de nos observations qu'un volume d'eau de 4 pans (1 m) d'épaisseur et d'une vitesse assez grande.
Martellière des Terrins.
Pendant 50 cannes (99,43 m) de longueur après cette martellière allant toujours du nord au sud le canal fait des petits contours et sinuosités ayant en divers endroits de 15 à 18 pans (3,73 à 4,47 m) de largeur.
Après cette longueur il est absolument barré du côté du midi par une rive et le terrain ferme qui coupe et détourne angulairement son cours du côté du levant pendant la longueur de deux à trois toises (3,9 à 5,85 m) et formant ensuite un angle qui parait aigu, il reprend son cours ordinaire du nord au sud, inclinant un peu plus, vers le couchant.
Cette partie du béal longue de deux à trois toises (3,9 à 5,85 m) est large à son commencement d'environ sept pans (1,74 m) et à son issue de trois à quatre (0,75 à 1 m), elle a une pente très raide et est traversée par un petit ponceau de bois.
À l'endroit où cette courte partie du canal tournait ses eaux pour reprendre par un angle aigu, la route du nord au sud, ces mêmes eaux font une espèce de lac irrégulier dont le circuit est de 18 à 20 toises (35,08 à 38,98 m).
Martellière du pont (sanguine de Christian Sévery).
À 14 cannes (27,84 m) après, ce canal est traversé par un pont de pierres à trois arches, la largeur du béal au-dessus du pont est de 18 pans (4,47 m), en dessous de 21 (5,22 m). Depuis le pont qui est en dessous et bien près de la prise des eaux jusqu'à celui-ci, le canal est fermé par des bords et rives ordinaires, mais depuis le dernier pont jusqu'à celui dit de la cave qui est à 134 cannes en dessous (266,48 m), il est fermé par des murs en ligne droite, distants l'un de l'autre de 21 pans (5,22 m), de 20 (4,97 m), de 19 (4,72 m) et 11 ½ (2,86 m).
Le pont de la Cave est construit sur un endroit angulaire du canal il est distant d'environ 70 cannes (139,2 m) du puits des moulins des Chevilles qui terminent le parc du seigneur de Solliès, de ce côté-là – Cette partie a en divers endroits une largeur de 16 pans (3.98 m) et forme dans son cours divers angles et sinuosités.
Dans la longueur totale de près de 400 toises (779,61 m) du cours de ce canal dans le parc, depuis la prise des eaux jusqu'aux moulins des chevilles, nous avons trouvé du côté du levant du Béal, outre la prise des eaux des Terrins, une martellière ou rigole d'arrosage à environ 70 cannes (139,20) après qui devient presque inutile par sa situation, et sa mauvaise et peu étendue construction.
À 63 cannes (125,28 m) après, il y a une autre martellière assez solidement construite pouvant servir pour les arrosages et de coup perdu au béal et y versant de l'eau par-dessus d'environ 12 pouces d’eau(1), laquelle étant jointe avec celles que cette martellière surverse et le mur du voisinage perdait lors de nos observations pouvaient composer la quantité d'environ 90 pouces d’eau(1) qui dégorgeaient dans un canal d'arrosage qui coupe les près du couchant au levant et à une certaine distance porte les eaux vers le midi. Les trois quart environ de ces eaux allaient traverser le chemin de Belgentier, entraient dans l'enclos où est le château du seigneur de Solliès et pouvaient ensuite servir à l'arrosage du quartier du Vignal(2).
Martellière du château.
L'autre quart paraissait se répandre dans les près qui sont inférieurs audit canal dérivé presque carrément de ladite martellière. Cette observation fut faite le 4 janvier 1741.
Hauteur d’eau dans le canal
Le béal en lui-même depuis l'écluse jusqu'en dessous du pont de la cave à ses bords assez élevés pour contenir un plus grand volume d'eau qu'il n'y entre ordinairement ; mais depuis ce pont jusqu'aux puits des moulins des chevilles, ses bords en quelques endroits, n'ont que quelques pouces de hauteur au-dessus de la surface actuelle des eaux, en d'autres ils sont à peu près au même niveau et en quelques-uns ils laissent échapper quelques petites surversures composant ensemble une quantité d'eau plus considérable.
Au couchant de ce canal ou béal, nous avons trouvé à environ huit cannes (15,91 m) de distance en ligne droite en dessous de la prise, une grande martelière qui n'a été faite que pour vider dans la rivière les eaux du canal en cas de besoin et non pour aucun arrosage, elle perdait par le défaut de la vanne ou autrement environ 140 pouces d'eau(1).
À 9 cannes (17,90 m) après et une autre ouverture communiquant aussi à la rivière et ne pouvant servir à aucun arrosement on peut regarder cette seconde espèce de martellière comme un simple dégorgeoir et non comme coup perdu, attendu que pour ce dernier usage il faudra enlever des pierres de chant qui soutiennent les eaux du béal.
Nous nous sommes souvent aperçus que ces pierres de chant étant trop basses pour soutenir les eaux dans le béal à une certaine hauteur, on les exhausse par le moyen de quelques gazons et pierres mobiles qu'on y met en dessous afin qu'il verse d'autant moins d'eau par ce dégorgeoir.
Dans la distance qu'il y a depuis ce dégorgeoir jusqu'aux puits des moulins des chevilles, nous avons trouvé de ce même côté du couchant du canal, trois martellières et trois simples rigoles servant pour les arrosages des près du seigneur de Solliès qui sont entre le béal et la rivière, laquelle est située à l'égard de ces près de manière qu'elle reçoit toutes les eaux qu'ils ne consomment point, et même celles qui se perdent aujourd'hui par la négligence du fermier ».
Surface arrosable et union syndicale
Il existe neuf associations syndicales d'arrosage pour Solliès-Pont : Six de ces associations se sont réunies dans une Union dite « Union des Associations Syndicales des Eaux de l’Écluse des Messieurs et du Canal du Château » (conformément aux dispositions de la loi du 21 juin 1865 - 22 décembre 1888, de décret-loi du 30 octobre 1933 et du règlement d'administration publique du 20 juin 1937).
Cette union groupe les associations syndicales suivantes : les Trois Pierres, les Laugiers, les Fillols, les Terrins, la Tour, le Château (cette dernière créée seulement en 1957).
L'Union répartit les dépenses d'entretien, de réparations, de curage et d'amélioration entre les différentes associations proportionnellement à la superficie arrosable représentée par chacune d'elle.
Un curage général est fait annuellement, et le faucardement tous les trois ans, à la charge de chaque association ; les riverains sont personnellement tenus de couper et d'enlever tous les arbres, buissons, branches pendantes et souches qui nuisent à l'écoulement des eaux et à supporter le dépôt sur leurs terrains des matières provenant du curage.
Martellière de décharge de l'Enclos.
(1) Le pouce d’eau, unité de capacité valant = 1,98 cl de l’eau.
(2) Quartier rural de Solliès bordant le chemin allant à Cuers dès 1566.
(3) La canne, unité de longueur valant = 1,988655 m.
(4) La toise, unité de longueur valant = 1,949036 m.
(5) Le pan, unité de longueur valant = 0,2486 m.
(6) Le pouce, unité de longueur valant = 0,027 m.