La poste aux lettres au pays des Solliès

La poste aux lettres au pays des Solliès

Rue de la République

Hôtel des Postes en septembre 1914

Des origines à la Révolution

Les archives municipales de la communauté de Solliès (qui regroupait alors les paroisses de Solliès-Ville, Solliès-le-Pont, Solliès-Toucas et Solliès-Farlède) d’avant la Révolution sont muettes sur la présence d’un messager allant chercher à Toulon le courrier officiel et celui des particuliers (fig. 02.)
Il devait cependant y en avoir un.
En effet, dans l’inventaire des archives de Belgentier :
— les comptes de trésorerie de 1775 – 1776 mentionnent un remboursement au préposé du bureau de Solliès de 3 livres 10 sols pour le port de lettres ;
— une délibération du 14 février 1779 accorde une allocation annuelle de 12 livres au receveur de la poste à Solliès pour apporter ou faire apporter toutes les semaines le courrier de la communauté ou des habitants du lieu (fig. 03a & b).
Dans une délibération du conseil municipal de Solliès du 8 juin 1793, donnant un avis négatif sur l’ouverture d’un bureau à Cuers, on trouve également :

« qu’il y aurait un préjudice considérable pour cette commune (Solliès) dont on a reconnu de tout temps la nécessité d’y avoir un bureau et que ce bureau existe depuis très longtemps... »

fig. 02

Fig. 02 : pli du 8 mai 1727, de Toulon au Pont de Solliès.

fig. 03a

Fig. 03a : Pli de Solliès du 11 octobre 1756 par porteur jusqu’à Toulon et avec une taxe de 9 sols : 6 sols Toulon-Valence et 3 sols Valence-Grenoble.

fig. 03b

Fig. 03b : Intérieur du pli (Fig. 03a).

La Poste de 1793 à 1830

Les événements liés au siège de Toulon par les armées révolutionnaires vont apporter quelques modifications dans la région.
Tout d’abord, la mise en place du siège ayant entraîné la rupture des relations de TOULON avec le reste du département et donc la fermeture du relais de la poste aux chevaux, un relais est ouvert à Solliès (en relation avec Le Luc). Mis en service entre le 10 et le 20 septembre 1793 il assure le port du courrier dans la partie Est de l’aire toulonnaise. Il y restera jusqu’en 1802. D’autre part, les royalistes ayant pris le contrôle d’Hyères le 28 août 1793, le siège du district est transféré à Solliès le 24 septembre. La reprise d’Hyères par les républicains le 20 octobre entraîne le départ vers Toulon de nombreux notables hyérois.

C’est ainsi que le 6 novembre une délibération du conseil municipal de Hyères constate que « le citoyen Bonnefoy, directeur de la poste aux lettres, a vraisemblablement fui puisque depuis quelque tems il ne paraît plus ». On lui nomme un remplaçant, mais le bureau de poste est stratégiquement trop important, car il dessert une zone occupée par les troupes du siège de Toulon.
C’est pourquoi, sans doute par mesure de sûreté, il va très rapidement être déplacé à Solliès-Pont comme le montre une lettre écrite à La Garde par un militaire le 21 novembre 1793 et portant la marque manuscrite Solliès/78 (fig. 04).

fig. 04

Fig. 04 : Pli du 21 novembre 1793, Solliers / 78 manuscrit, taxé de 13 sous pour une distance de 120 à 150 lieues.

Peut-être même l’avait-il été dès le début de novembre 1793. En effet dans une délibération du Conseil de Solliès, datée du 5 novembre 1793, on peut lire :
« Le Conseil... considérant que le citoien Mazel aiant la direction de la poste aux lettres de cette ville aiant perdu la confiance publique et aiant donné sa démission, et que le service ne peut pas souffrir le moindre retard... arrête que le citoien Jean Baptiste Aiguier, perruquier de cette ville, remplira provisoirement la comission de la direction de la poste aux lettres de ce canton et qu’il en sera donné de suite avis à l’administration des postes a Paris avec prière d'aprouver le choix fait et au citoien Julien chargé de la direction des lettres pour l’armée pour qu’il se conforme a la presente en ce quil concernera le canton ».
fig. 05

Fig. 05 : Pli du 19 thermidor an II (6 août 1794), 78 SOLLIERS, 6 sous, de Hyères à Aix.

Certes le terme de directeur de la poste aux lettres est quelquefois employé de manière abusive pour désigner un simple distributeur local, mais pourquoi dans ce cas prévenir le directeur de la poste pour les armées ?
Le nouveau bureau de Solliès appose sur les lettres la mention manuscrite 78/Solliès connue jusqu’au 23 mars 1794 (3 germinal an II). Il reçoit ensuite une marque 78/SOLLIERS, vue à partir du 9 avril 1794 (fig. 05).

Le bureau de distribution

Mais le bureau de Solliès n’aura qu’une vie assez courte. En effet le 16  octobre 1796 l’administration des Postes annonce au Conseil municipal de Solliès à la fois le transfert du bureau à Cuers et la desserte de la commune par ce bureau (fig. 06). Bien entend, le Conseil proteste et demande à être desservi par le bureau de Toulon. Cette demande est refusée.

fig. 06a

On nomme alors un distributeur des lettres (c’est-à-dire chargé de la distribution dans la commune aux frais de la municipalité).

fig. 06b

Fig. 06 : Pli du 3 novembre 1813, par porteur de Solliès à Cuers et 4 décimes de Cuers à Nice.

En mai 1815, un bureau de distribution est ouvert à Solliès-Pont.
D’abord rattachée administrativement au bureau de direction de Cuers, elle reçoit en janvier 1819 la cursive double 78/Solliès/CUERS (fig. 7).

En 1825, cette marque est remplacée par une autre cursive double 78/Solliespont/TOULON-VAR (fig. 08). Cela indique que désormais, c’est Toulon qui gère la distribution de Solliès. Mais elle est toujours en correspondance locale avec Cuers.

Au cours des années, la marque du bureau va subir quelques changements :
— en 1830, les mots TOULON-VAR sont grattés, puisque dorénavant le bureau de rattachement appose son timbre à date (fig. 09) ;
— en 1834, une nouvelle cursive est fournie, légèrement différente (le 8 de 78 est entre le « i » et le « e » de Sollies (alors qu’il était entre le « e » et le « s » dans la marque précédente) (fig. 10).
fig. 07

Fig. 07 : Pli du 25 octobre 1819 et taxe de 3 décimes pour moins de 50 km.

fig. 08

Fig. 08 : Pli du 14 août 1828 de 10 à 15 g, taxé de 20 décimes pour une distance de 600 à 750 km.

fig. 09

Fig. 09 : Pli de 7,5 g du 2 juillet 1830, de Solliès à Barjols, taxé de 3 décimes.

fig. 10

Fig. 10 : Pli de 7,5 g du 14 novembre 1838, taxé de 3 décimes.

Le bureau de direction

Le 1er mars 1840, le bureau de Solliès est érigé au rang de bureau de direction (c’est-à-dire qu’il devient un véritable bureau de poste !).
Il reçoit alors un timbre à date au type 15 (petit format) portant le libelle SOLLIES-PONT (78) (fig. 11). En juin 1856, le timbre à date change et porte la mention SOLIES-PONT (78) (fig. 12). Il y aura un nouveau changement en 1868 : on retrouve le libellé SOLLIES-PONT (78) (fig. 13).

fig. 11

Fig. 11 : Pli de 7,5 g du 12 mars 1841, taxé de 5 décimes pour une distance de 200 à 300 km.

fig. 12

Fig. 12 : Pli de 7,5 g du 20 septembre 1856, timbré 20 c.

fig. 13

Fig. 13 : Pli de 10 g du 3 mars 1868, timbré 20 c.

À partir de 1868, le bureau de Solliès utilisera deux autres timbres à date : celui au type 16 (petit format avec indication de levée) (fig. 14) et celui au type 17 (grand format avec indication de levée) (fig. 15.) Plus tard, sans qu’il soit possible de donner une date exacte, il utilisera le timbre à date au type 18 SOLLIES-PONT Var (fig. 16) (je le connais à partir d’octobre 1881).

fig. 14

Fig. 14 : Pli de 10 g du 27 février 1870, 4e levée, timbré 20 c.

fig. 15

Fig. 15 : Pli de 10 g du 15 décembre 1874, 4e levée, timbré 25 c.

fig. 16

Fig. 16 : Carte postale du 12 décembre 1888, 3e levée, timbrée 10 c.

À partir du 1er janvier 1849, l’oblitération des timbres-poste se fait avec :
— une grille dans la période 1849 - 1851 (il est possible de rencontrer une oblitération du timbre à la plume ou avec le timbre à date entre le 1er et le 15 janvier 1849) (fig. 17) ;
— un losange oblitérant dit « à petits chiffres » 2914 de janvier 1852 à décembre 1861 (fig. 18) ;
— un losange oblitérant dit « à gros chiffres » 3426 de janvier 1862 au 31 mars 1876 (fig. 19) ;
− le timbre à date à partir du 1er avril 1876 (fig. 20).
fig. 17

Fig. 17 : Pli du 4 novembre 1850, timbre à 25 c oblitéré par la grille.

fig. 18

Fig. 18 : Pli de 7,5 g du 29 décembre 1857, losange PC 2914 sur empire 20 c.

fig. 19

Fig. 19 : Pli de 7,5 g du 15 mars 1863, losange GC 3426, sur empire dentelé 20 c.

fig. 20

Fig. 20 : Carte postale du 27 septembre 1876, timbre à date 17 sur sage 15 c.

La poste rurale

Les communes de Solliès-Farlède, Solliès-Toucas et Solliès- Pont ont recours, dès leur création en 1799, à des messagers communaux pour aller chercher le courrier de la commune et de ses habitants. Le bureau de poste initialement choisi est Cuers. À la création du bureau de distribution de Solliès-Pont, il semble que la situation reste inchangée. Toutefois en octobre 1821, La Farlède choisit de recevoir son courrier par Toulon. Il est probable qu’en 1828 cette commune recevra son courrier par Solliès-Pont.
Le 1er avril 1830, la création du service rural fait dépendre définitivement les quatre communes (ainsi que Belgentier) de Solliès-Pont. Chaque village est muni d’une boîte aux lettres. L’indicatif de ces boîtes rurales est :
— (A) pour Solliès-Ville , (B) pour La Farlède (fig. 22), (C) pour Solliès-Toucas, (D) pour Belgentier de 1836 à 1841 (fig. 23) ;
— (A) pour Solliès-Toucas, (B) pour Belgentier, (C) pour Solliès-Ville, (D) pour La Farlède de 1841 à 1893 (fig. 24).
L’ouverture d’un bureau de facteur-receveur à Belgentier et à La Farlède en septembre – octobre 1893 ne laisse plus que deux communes desservies par Solliès-Pont : Solliès-Toucas (A), Solliès- Ville (B) (fig. 25).
fig. 22

Fig. 22 : Pli du 23 septembre 1836, lettre-timbre (B) de Solliès-Farlède et le décime rural rouge.

fig. 23

Fig. 23 : Pli du 6 août 1836, lettre- timbre (D) de Belgentier et le décime rural rouge.

fig. 24

Fig. 24 : Pli du 6 mai 1848, lettre-timbre (D) de Solliès-Farlède.

fig. 25

Fig. 25 : Carte postale illustrée du 2 janvier 1903, lettre-timbre (B) de Solliès-Ville.

Les boites aux lettres en 1847 :

Belgentier : sur la place publique sur la grand-route, en saillie sur une maison particulière ; elle est au centre de la commune ;
Solliès-Farlède : dans l’épaisseur du mur de la maison curiale (presbytère) située sur la place publique sur la grand route ; elle est au centre de la commune ;
Solliès-Pont : sur la grand-place, au centre du village, dans l’épaisseur du mur de la maison du directeur (de la poste) ;
Solliès-Toucas : en saillie au centre de la commune sur une maison particulière en face d’une statue et contre une muraille ;
Solliès-Ville : dans l’épaisseur du mur d’une maison particulière sur la place au centre du village (fig. 21).

fig 21

Fig. 21 : Les restes de la boite rurale de 1830 de Solliès-Ville en août 2014.

Enquête de l’Administration des Postes en novembre 1847

Courrier adressé à la commune pendant 14 jours
Lettres extérieures Lettres locales Journaux Imprimés Lettres pour les fonctionnaires publics
 Belgentier 69 2 27 5 12
 La Farlède 67 46 10 15
 Solliès-Toucas 52 8 34 4 5
 Solliès-Ville 39 43 2 5
Courrier envoyé par la commune pendant 14 jours
Lettres extérieures Lettres locales Journaux Imprimés Lettres pour les fonctionnaires publics
 Belgentier 37 5
 La Farlède 24 8
 Solliès-Toucas 35 1 11
 Solliès-Ville 10 6

 

Courrier par an et par habitant
(à l’exception des journaux, imprimés et du courrier pour les fonctionnaires)
Population Lettres reçues par an
et par habitant
Lettres envoyées par an
et par habitant
Taxe moyenne
d'une lettre reçue
 Belgentier 1140  1,62  0,84 0,24 franc
 La Farlède 985  1,77 0,63 0,37 franc
 Solliès-Toucas 1266 1,29 0,74 0,33 franc
 Solliès-Ville 814  1,28  0,32 0,39 franc
Pour l’ensemble des communes rurales du Var, la moyenne est :
- Pour les lettres en arrivée 1,52 lettre par an et par habitant (pour la France : 1,64) ;
- Pour les lettres envoyées : 0,92 lettres par an et par habitant (pour la France 0,75).
Quant à la taxe moyenne d’une lettre reçue elle est de 0,365 franc (0,325 en France).

La poste ferroviaire

Pour terminer cette étude sur la Poste aux lettres au pays des Solliès, il faut parler de la poste ferroviaire. Après l’ouverture de la ligne Marseille – Aubagne le 20 octobre 1858, cette ligne est prolongée jusqu’aux Arcs le 1er septembre 1862 (fig. 26) puis le 10 avril 1863 jusqu’à Cagnes (station Vence-Cagnes.) Le 18 octobre 1864, le tronçon Les Arcs - Draguignan est mis en service ; le même jour la ligne est prolongée depuis Cagnes jusqu’à Nice.
On aura ensuite ouverture de la ligne entre Nice et Monaco le 9 octobre 1868, prolongation entre Monaco et Menton le 6 décembre 1869 et enfin le 18 mars 1872, ouverture de la ligne entre Menton et Vintimille, faisant la jonction avec la ligne de la côte ligure ouverte deux mois plus tôt, le 25 janvier 1872. La gare de Solliès-Pont est munie d’une boîte aux lettres (fig. 27) (payée par la municipalité) et relevée au passage du train par le courrier convoyeur. Celui-ci appose son timbre identificateur sur le courrier.
On connait les timbres suivants pour Solliès :
— ligne Draguignan – Marseille (et retour) ;
— ligne Marseille – Nice (et retour) ;
— ligne Marseille – Menton (et retour) (fig. 28) ;
— ligne Marseille – Vintimille (et retour.)
Ils existent entre 1867 et 1879.
À noter que bien qu’il y ait une gare à La Farlède, on ne connait pas de timbre relatif à cette gare (absence de boîte).
Gare de Solliès-Pont

Fig. 26 : La gare de Solliès-Pont en mars 1913.

Boite à lettre, gare de Solliès-Pont

Fig. 27 : Boite aux lettres sur la façade sud de la gare de Solliès-Pont.

fig. 27

Fig. 28 : Pli du convoyeur-station de Solliès-Pont, 20 avril 1872.

La poste de nos jours

Le bureau de Solliès-Pont (fig. 29) est l’un des trois cent cinquante bureaux de poste équipés au 1er janvier 2015 de nouveaux services, d’espace « Préparez vous-même vos envois » et de nouveaux automates.

Bureau de Poste Solliès-Pont

Fig. 29 : Solliès-Pont, le bureau de poste en 2015.

 Textes Alain TRINQUIER    Novembre 2014    Illustrations Pascal Yves GRUÉ