À MONSIEUR FERRAT (FRANÇOIS) ;
Ancien Chirurgien de 1ere classe de la marine du Port de Toulon.
Comme un bien faible témoignage de mon respect
et de ma reconnaissance.
J'OFFRE CET OPUSCULE À M. CALLENE,
Ancien chirurgien de première classe du port de Toulon ;
Comme un témoignage de la plus vive reconnaissance et de mon
sincère attachement.
Aux Mânes
DE DOMINIQUE TOUCAS, MON PÈRE.
O vous ! Ombre chère et sacrée d'un Père justement regretté, Puissiez-
vous recevoir l'offre de ce faible Essai, comme une preuve de l'éternel
souvenir que voue à votre mémoire le plus reconnaissant des Fils !
À MARIANNE GASTINEL, VEUVE TOUCAS,
LA PLUS TENDRE DES MÈRES.
Je vous offre ce faible Tribut académique, comme un témoignage
public de l'amour filial le plus sincère et de reconnaissance que vos
soins continuels m'ont inspirés.
Aux Mânes
D'ARISTIDE TOUCAS, MON FRÈRE.
Ombre sacrée d'un Frère chéri enlevé au printemps de sa vie, Ami
que m'avait donné la nature et dont mon cœur aurait fait choix, je
voudrais pouvoir vous offrir le fruit de mes études médicales !
J.-R. TOUCAS
ESSAI SUR LA TOPOGRAPHIE PHYSIQUE ET MÉDICALE
DE SOLLIÈS-PONT,
Pages 5 à 20
Un auteur célèbre, Raimond de Marseille, a dit avec raison : « la nature des lieux exerce sur les hommes de profondes influences, et leur santé n’en éprouve pas de moins fortes de la part de l’état moral et économique(1). »
Frappé de cette vérité, j’ai cherché à recueillir mes idées sur la topographie d’une ville très ancienne, mais peu étendue, qui mérite cependant quelque attention de la part du médecin qui se propose le but si utile de conserver la santé et de traiter les maladies de ses habitants ; je veux parler de Solliès-Pont, situé dans le département du Var.
Je ne prétends pas entrer dans de grands détails sur tous les objets qui se trouvent dans ce lieu ainsi que dans ses environs ; mes connaissances encore bornées et le peu d’étendue de cette dissertation me le défendent ; mon unique objet se trouve dans le désir de pouvoir me rendre utile un jour, après avoir étudié l’organisation physique et morale des habitants de cette contrée, les maladies qui les affligent en portant le trouble dans toute l’économie ; après avoir considéré les lieux qu’ils habitent, l’air qu’ils respirent, l’eau qui leur sert de boisson, la nature des aliments, d’après le conseil donné par Hippocrate dans son traité de aëre, aquis, et loci(2).
Ne pouvant suffire, par mes propres forces, à un travail aussi compliqué, je ne me dissimule pas les secours que j’ai obtenus de la part de quelques personnes qui m’ont fourni des renseignements ; j’ai puisé ensuite dans divers ouvrages quelques faits qui ont du trouver place dans cet opuscule.
Heureux, si le choix que j’en ai fait et l’arrangement que je leur ai donné peuvent m’obtenir la bienveillance et l’estime des personnes pour lesquelles j’ai travaillé, et surtout si je reçois l’approbation des Professeurs respectables qui doivent me juger.
En commençant cette dissertation je ne puis mieux faire, avant de donner la description de Solliès-Pont, que de parler de l’origine de Solliès Haute-Ville, qui a été construite la première et qui n’est aujourd’hui qu’un petit bourg.
Solliès Haute-Ville, est situé au milieu d’une chaîne de montagne au sud de Solliès-Pont(3).
Son antiquité n’est pas bien connue, ce qui me détermine à exposer plusieurs opinions à ce sujet.
Papon, dans son histoire de Provence, dit que cette ville était habitée avant la conquête des Gaules par les Romains, et qu’elle le fut encore par ces conquérants.
Un homme digne de foi m’a assuré avoir lu, dans un ancien manuscrit, que Solliès Haute-Ville avait été bâtie 1600 ans avant J.-C., par les Chaldéens, dont le chef s’appelait Solerius ou Solerias ; d’autant qu’il existe encore dans cet endroit une rue qui porte le nom de Chaldéens et un ancien temple, dédié à Diane, où se trouve deux colonnes dignes de l’admiration des connaisseurs ; à côté sont de vieilles maisons et les ruines d’un château antique qui avait appartenu à l’ordre des Templiers, et les vestiges d’un rempart qui mettait les habitants en état de résister aux plus longs sièges. Quelques-uns prétendent que les Sarrazins en furent les fondateurs.
D’autres pensent que les Romains, en arrivant dans ces contrées, furent frappés d’admiration voyant cette chaîne de montagnes couvertes de grands et beaux arbres, qu’ils y bâtirent une ville et construisirent un temple qu’ils consacrèrent à Diane, déesse de la chasse.
Les derniers enfin disent, avec plus de raison, que les habitants de Phocée, dernière ville d’Ionie, éloignée de Smyrne d’environ trente lieues, s’expatrièrent, craignant de tomber au pouvoir des Perses qui leur faisaient une guerre continuelle, et arrivèrent, sous la direction de leur chef Peranus, dans la Celtoligurie (la Provence), où, étant bien reçus par les habitants, ils en bâtirent plusieurs autres parmi lesquelles se trouva Solliès Haute-Ville.
Il est probable que la fertilité du terroir et le voisinage de la mer attirèrent dans ces contrées une partie de ces Phocéens fugitifs qui, voulant se rendre indépendants, se défirent dans divers combats des Celtoliguriens, qu’ils se rendirent maîtres du pays, et qu’ils élevèrent sur ces montagnes le temple dont j’ai parlé, qu’ils dédièrent d’abord au soleil, d’où probablement cette ville tira son nom de ce mot grec Ηλιος, d’où les Romains firent soli œdes ; peu à peu des maisons furent bâties autour de ce temple ; elles se multiplièrent et formèrent la Haute-Ville. Mais la population augmentant de jour en jour, le terrain n’étant plus propice pour bâtir, les habitants s’y trouvant très gênés, ils construisirent des maisons au bas de la chaîne de montagnes et aux bords d’une petite rivière sur laquelle ils bâtirent deux ponts, et nommèrent cette nouvelle ville de deux mots Ηλιος et ποντος, qui furent rendus par Solliès-Pont. D’après cela ces deux villes eurent un nom commun, mais distinguées l’une par sa hauteur et l’autre par sa position auprès de deux ponts. On a aussi donné le nom de Solliès à deux villages, dont l’un se trouve à l’ouest du pays se nomme Solliès-les-Toucas, et l’autre au sud appelé Solliès-la-Farlède.
SOLLIÈS-PONT
Solliès-Pont est, sans doute, une ville des plus agréables du département du Var ; on ne peut pas préciser son origine : il est probable qu’elle existait avant l’entrée des Romains dans les Gaules.
Elle faisait partie des villes de la première Narbonnaise. La petite rivière déjà citée, connue sous le nom de Gapeau, la divise en deux parties, que l’on nomme en-deçà et en-delà du pont. Les armes du pays sont deux soleils entre lesquels son nom est gravé.
Position géographique
Ce pays est situé sous le beau ciel de la Provence, par le 23.° 43’ de longitude, prise à l’ile de Fer, et au 3.° 43’ du méridien de Paris.
Au 43.° 7’ de latitude boréale, à douze lieues (6 myriamètres) de Draguignan, à trois lieues (15 kilomètres) est-nord-est de Toulon, et à deux lieues et demie (12 kilomètres) nord-est d’Hyères.
Les maisons sont bâties sur un terrain sec et un plan uni, abritées au sud par la chaîne de montagnes dont elle n’est distante que 10’. À l’est sont les collines des Maures à une demi-lieue, et dont j’aurai occasion de parler. Au nord sont celles de Cuers, à même distance que ces dernières ; son horizon est libre au sud-est et au nord-est, ainsi qu’à l’ouest, d’où les vents trouvent un libre passage pour chasser les miasmes et rendre le ciel sans nuages.
Etendue de la ville, sa forme et son intérieur
L'étendue de la ville est de vingt minutes de circuit ; étant aperçue du côté du midi, elle présente la forme d'un fer à cheval, mais sa figure entière approche de celle d'un triangle, dont l'un des angles serait plus allongé.
Supposons un voyageur qui, suivant la grande route, voudrait se rendre en Italie ; cette route traverse la ville dans les autres points des angles égaux opposés. En la parcourant, ce voyageur voit à sa gauche une ruelle qui conduit aux fabriques de tannerie, plus bas et à droite une seule fontaine désignant le chemin qui conduit à la chapelle Saint-Victor et celui du cimetière. Parvenu au pont où passe la grande route, il en aperçoit un autre à sa gauche : tous les deux sont assez bien construits. Arrivé en deçà du pont, il se trouve sur une place où il voit à gauche l'Église paroissiale du pays, devant laquelle est encore une autre place servant de promenade où se trouvent de grands ormes. À sa droite, sont la Mairie et la rue Notre-Dame, qui ne le cède en rien pour la longueur à la grande route. Enfin, devant lui est la grand'rue qui conduit au dehors du pays et sur la grande route de Cuers ou d'Italie.
Je dois maintenant parler des habitations. Les maisons sont assez bien bâties ; elles s'élèvent jusqu'à la hauteur d'un troisième étage. Les habitants ont soin de les blanchir chaque année, soit pour les rendre saines, soit pour les garantir de l'humidité, soit enfin pour la propreté. Les deux quartiers au-delà du pont et la grand'rue faisant suite à la route d'Italie ne sont pas pavés ; ce qui fait que les voitures font des ornières profondes et des crevasses, qui dans le temps de pluies se remplissent d'eau et occasionnent une boue incommode.
Le quartier de Notre-Dame est le plus grand, mais les rues sont petites et auraient besoin d'être mieux pavées et plus propre.
Il serait à désirer, pour la santé des habitants, qu'il y eût dans ce quartier des cloaques ou voies souterraines, comme il en existe depuis la grande place, jusqu'au commencement de Notre-Dame : quelques rues ont aussi des ruisseaux qui reçoivent les eaux bourbeuses qui se rendent aux jardins ou dans la rivière.
Pendant les fortes chaleurs les rues sont propres, et il est expressément défendu d'y ramasser du fumier(4). En delà du pont et à l'est du pays, se trouve le cimetière entouré de jardins qui le séparent des maisons. On a la précaution de faire des fosses profondes pour les inhumations; ce qui fait que les émanations ne deviennent pas dangereuses, joint à ce que les arbres des jardins, les eaux qui en baignent les murs, et les vents d'ouest ou du nord-est empêchent la viciation de l'air qui pèse sur la ville(5).
On y voyait, avant la Révolution, trois églises dont une tenait au couvent des Capucins qui s'y étaient établis depuis 1660. Il n'y a maintenant que la majeure, assez grande, bien ornée, et surtout bien bâtie, précédée par cette place dont j'ai déjà parlé.
Sur une autre petite place, on voit un orme très ancien d'une grande hauteur, elle est de dix-huit mètres, sa circonférence est de près de six mètres ; il est creusé dans son intérieur et paraît exister depuis plusieurs siècles. Enfin on voit autour de la ville de grands jardins, aussi utiles qu'ils sont agréables ; car, comme dit Papon, dans son histoire de Provence : « Les hommes ne s'éloignent pas des lieux où la nature les invite et leur offre tout ce qui est nécessaire à la vie. »
Dehors et terroir du pays
Du haut de Solliès-Ville on découvre une grande plaine, sans doute la plus belle de ces contrées ; elle offre les grands avantages de l'agrément et de la fertilité. Le peintre y découvre des paysages très variés; il semble que la vue de ce pays rajeunit le vieillard, et donne à la jeunesse toute sa gaîté. On voit au milieu de cette plaine les ruines du château qui appartenait au marquis de Forbin, et à diverses distances, ainsi qu'autour de Solliès-Pont, certains hameaux composés de plusieurs maisons. Tous les contours que forme la rivière, sont plantés de grands et beaux peupliers blancs qui, balançant leur cime dans les ais, agitent et renouvellent l'atmosphère ; de belles allées de platanes et de marronniers réjouissent la vue et produisent une sensation des plus agréables, joint à ces belles prairie, à ces vignobles, à ces champs couverts de blé et d'autres plantes céréales. On voit encore plus au loin et au nord-est, les beaux terroirs de Cuers et du Puget, comme au sud-est ceux de Solliès-la-Farlède et de la Crau.
La rivière de Gapeau prend son origine au nord de la ville, près le village de Cigne, où elle se forme par diverses sources qui sortent des montagnes de ce pays. Elle traverse alors les villages de Belgencier, Solliès-lès-Toucas, donne de l'eau à leurs fabriques, à leurs moulins et à leurs terroirs. Cette rivière est augmentée ensuite par le ravin appelé Valori : alors son lit est assez large et profond. À un quart de lieue de Solliès-Pont, elle donne des ruisseaux qui vont s'y rendre en serpentant, et la pente alors est assez rapide pour donner à l'eau la force convenable pour faire tourner les nombreuses roues des moulins à huile, à farine, aux fabriques de tannerie ; enfin ces eaux vont arroser les jardins, les quartiers des Ferrages, ses plus belles prairies et autres quartiers du terroir. Cette rivière donne une telle fertilité, que l'on peut regarder ce pays comme un des plus riches et des plus beaux de la Provence. Après avoir traversé la ville de l'ouest à l'est, Gapeau reçoit ensuite deux rivières appelées petit et grand Riaou ; l'une s'y jette avant d'arriver au village de la Crau, et l'autre eis Mesclanços(6). Les habitants de la Crau ont fait à cette rivière diverses saignées au moyen desquelles ils ont formé un grand canal dont une partie sert pour arroser leurs jardins, mais surtout les fertiles campagnes d'Hyères(7). Enfin, cette rivière en serpentant dans la plaine poursuit son cours, et après un trajet de huit lieues, elle va se rendre dans la Méditerranée, près des salines de cette dernière ville. On n'a rien à craindre de ses débordements, d'ailleurs très rares, ayant dans son cours donné une grande partie de ses eaux aux terroirs, aux fabriques; ce qui a fait le sujet de ce proverbe en langue vulgaire : « Cigno a un beou capeou; Bougencié l'ou s'assajo; Soulliès l'ou pouarto, et Hyèros l'ou gôoussis ». Ce qui paraît faire allusion aux richesses et aux productions de ses contrées.
À une demi-lieue vers le nord, on voit les collines de Cuers où sont bâtis les ermitages de Sainte-Christine de Solliès-Pont et de la ville de Cuers. C'est là où les habitants de ces villes accourent pour célébrer leurs fêtes et se livrent ensuite à tous les plaisirs. À l'est se voient les fameuses collines des Maures(8), ainsi appelées parce que les barbares y avaient campé autrefois ; elles sont couvertes de chênes, de pins, de bruyères, etc.
On voit au sud la chaîne de montagne dont le terrain n'est pas du tout propre à la production du blé ; au bas se trouvent les restes des oliviers qui ont résisté au froid de janvier 1820. Vers le sommet le terrain est nouvellement défriché et planté en vignes ; des arbres épars ça et là font présumer qu'autrefois il y avait une plus grande quantité et bien plus beaux.
Le terrain est schisteux, formé par plusieurs couches : la première est de terre végétale bien moins abondante que dans la plaine ; la deuxième est argileuse : les couches de cette dernière restent seules dans certains endroits et forment, avec les racines des plantes, un réseau qui repousse les eaux pluviales ; mais il n'en est pas de même en d'autres endroits où la terre végétale est en assez grande quantité, et permet aux eaux de pénétrer dans l'intérieur
On y remarque encore des pierres de nature calcaire ou de gypse. J'y ai même trouvé des coquillages pétrifiés en grande quantité ; les uns de six pouces de circonférence, que je crois être des cornes d'Ammon ; d'autres très petits, ce sont des buccins fossiles, des cœurs, des cames, des Vénus. On trouve en bloc sur de larges pierres calcaires qui se brisent facilement.
Auprès de Solliès-lès-Toucas on prépare une grande quantité de gypse que l'on envoie à Toulon et aux villages circonvoisins.
On voit à un endroit du terroir, appelé Jounquièro, des sources dont les eaux pluviales arrosent une partie de ce quartier ; elles naissent à une certaine distance de la chaîne des montagnes et se trouvent encore plus près de Gapeau. Je ne pourrais pas affirmer si ces eaux ne viennent de cette rivière par des voies souterraines, ou bien du sein des montagnes.
On ne peut qu'avec peine jeter les regards sur cette grande plaine qui était couverte de superbes oliviers, mais qui n'ayant pas résisté aux froids de 1820, ont été coupés jusque près des racines. Cette perte a vivement affligé tous les habitants: c'était leur principale richesse. Maintenant on voit s'élever de nouvelles pousses, mais l'on sait combien cet arbre est lent à venir : trente ans suffiront à peine pour le rendre à sa première beauté.
Il leur reste encore le blé, le vin et les fourrages ; le terrain y est généralement bon ; mais il en est ici comme partout ailleurs. Les quartiers des Ferrages ont un terrain préférable à ceux des Maures, des Reynaoudos, etc.
Les divers sites de ce pays abondent en plantes dont le plus grand nombre peut fournir des ressources aux pharmaciens. Je vais en donner le catalogue en suivant le système sexuel de Linné.
Nomenclature des Plantes usuelles, suivant le système Linnéen.
À VOIR
Zoologie
L'étude de la zoologie ne m'a pas assez occupé pour entrer dans de grands détails à cet égard. Parmi les Mammifères, les bêtes de somme sont aussi multipliées que le besoin des habitants peut l'exiger ; elles sont nourries, parce que les pâturages sont abondants, et en général elles ne sont pas sujettes aux maladies qui peuvent les affecter, parce que les eaux sont courantes, les herbages sains et l'air pur.
Les bêtes à laines n'y sont pas nombreuses ; on en élève particulièrement aux pays montagneux. Les animaux carnivores, tels que le loup et le renard, viennent assez souvent dans la plaine, pressés par le besoin.
Les lièvres, les lapins sont en quantité aux pieds des montagnes qui entourent la plaine.
Les oiseaux carnassiers fuient ces contrées pour se cacher dans les bois, dans les vieilles ruines, dans les fentes des rochers.
Les granivores sont nombreux, les canards, les macreuses y sont en grand nombre, surtout en hiver et dans les marécages un peu loin de nos contrées.
Les reptiles, tels que crapauds, les grenouilles, habitent le long des détours de la rivière et dans les lieux où l'eau est stagnante.
Les serpents et les lézards que l'on trouve dans la plaine ne sont pas dangereux : le coluber natrix est le plus commun, le lacerta agilis se trouve dans les buissons.
Les poissons que la rivière de Gapeau contient, sont les anguilles, les truites, les barbeaux, la carpe, etc., dont la chair est très délicate et d'une bonne nourriture.
Quant aux insectes, le plus précieux est sans doute l'abeille, dont un grand nombre d'essaims sont élevés pour butiner les coteaux arides et donner du miel excellent.
Des vents principaux et des variétés du climat
Le vent du nord ou Mountanièro est froid et sec, puisqu'il passe sur les Alpes ; le sud est chaud et humide, l'est est humide et frais, et l'ouest est sec et orageux. Les vents collatéraux participent en partie de ces qualités ; les plus fréquents pour nos contrées sont le nord-est et le nord-ouest : le premier peu violent, nous amène la pluie, et parfois des orages connus pendant l'été sous le nom vulgaire de chavano. Ce vent occasionne un grand nombre de maladies, telles que le catarrhe, la pleurésie, la péripneumonie en hiver, etc. ; mais aussi il procure des avantages pendant l'été, il chasse les nuages du sud-ouest, purifie l'air de la putréfaction des substances végétales et animales, en emportant et dissipant les miasmes qui pourraient devenir dangereux.
Le nord-ouest ou Mistraou prédomine depuis le mois de novembre jusqu'aux premiers jours d'avril ; il est le plus impétueux de tous, il est redouté par ses ravages : aussi est-il le plus à craindre.
En avril et en mai les vents du sud-ouest et du sud-est soufflent fréquemment ; le second ne manquerait pas de rendre le pays malsain s'il était plus rapproché d'Hyères ; mais soufflant alternativement, ils modèrent les chaleurs de l'été pendant les mois de juin, juillet, août, septembre et octobre ; mais, enfin, venant de plus loin et de l'est, ils apportent les nuages et la pluie.
Le vent du sud et celui d'est soufflent encore pendant l'été : le premier relâche les fibres, diminue les forces et procure une lassitude extrême, des maux de tête et une inanition qui éloigne entièrement du travail; le second relève un peu les forces, mais ne les ranime pas comme le vent du nord ; il occasionne souvent des rhumatismes, des maladies vermineuses, des fièvres putrides, etc.
Année commune il ne tombe que 28 à 30 pouces d'eau. L'automne est la saison la plus humide. C'est aux environs de la Saint-Michel que les pluies sont les plus fréquentes ; dès lors le terrain est arrosé, et le froid commence à ce faire sentir; les rhumes, les fluxions, les maux de gorges, de poitrine, etc., se manifestent dans cette saison.
On peut dire cependant que le climat de nos contrées n'est pas aussi dangereux qu'à Toulon et à Hyères, puisque les médecins de ces villes conseillent à leurs valétudinaires de venir respirer notre atmosphère pour rétablir parfaitement leur santé.
La chaîne de montagne au sud de Solliès-Pont a sa direction du sud à l'ouest ; elle est élevée d'environ 220 toises sur le niveau de la mer ; ce qui procure à notre pays une chaleur qui ranime la nature lorsqu'elle languit autre part. Les chaleurs y durent depuis le mois de juin jusqu'à la fin d'octobre.
Le thermomètre de Réaumur(9) se soutient à 23° ou 24°, vers deux heures après-midi, dans l'été ; cependant, dans celui de 1820, il s'éleva jusqu'au 28°. Ces chaleurs font que l'hiver est plus tardif ; mais aussi elles sont modifiées selon que les neiges et les glaces de la Sainte-Baume et des Alpes fondent plus ou moins promptement. Si les glaces de ces montagnes se prolongent jusqu'en juillet, l'air atmosphérique se trouve plus frais, et l'on en ressent parfois les effets par les vents du nord et d'ouest.
Pendant les années 1818 et 1819 le sol était brûlant par le manque de pluies : aussi observa-t-on des fièvres intermittentes, ordinairement si rares.
L'hiver n'est pas en général rude dans ce pays, puisque, année commune, le thermomètre de Réaumur ne descend pas au-dessous de zéro ; mais le froid a aussi ses excès comme la chaleur, puisque, dans les années 1709, 1768, et 1820, la gelée fut excessive : le thermomètre de Réaumur, surtout dans la dernière année, descendit au douzième degré au-dessous de la congélation : aussi les orangers, les citronniers, les oliviers, les grenadiers et les figuiers périrent presque entièrement.
Au reste, dans certaines saisons l'état de l'atmosphère change tellement, que, dans un même jour, on peur éprouver les alternatives bien tranchantes du froid et du chaud; ce qui donne lieu au développement de diverses maladies. Une chose bien remarquable, pendant l'hiver, est la direction des rayons du soleil : dès le matin on jouit de ces rayons jusque vers une heure après midi, où, étant cachés par la montagne qui domine Solliès Haute-Ville, le soleil paraît se coucher ; mais, à trois heures, on les voit paraître de nouveau, et ils éclairent jusqu'au soleil couchant. Pendant les mois de décembre et de janvier, lorsque le temps est calme et le ciel serein, on croit être aux plus belles journées du printemps.
Eaux de puits
Cette eau est moins bonne que celle de rivière et de fontaine. Tous les puits ont à peu près la même profondeur. Cette eau soumise à l'action de plusieurs réactifs a présenté les phénomènes suivants :
— 2 L'acétate de plomb a formé un précipité abondant, soluble dans l'acide nitrique : ce qui prouve la présence de l'acide carbonique.
— 3 L'hydrochlorate de baryte a donné un précipité sensible, insoluble dans l'acide hydrochlorique : ce qui annonce de l'acide sulfurique.
— 4 L'acide oxalique a opéré un précipité un peu volumineux qui prouve la présence de la chaux.
— 5 La dissolution alcoolique du savon a donné un précipité abondant, qui prouve une grande quantité de sels calcaires.
— 6 La potasse a occasionné un précipité floconneux : ce qui atteste la présence du carbonate de chaux.
— 7 La teinture de tournesol n'a point changé de couleur : ce qui fait voir qu'il n'y a point d'acide libre.
— 8 L'hydrocyanate de potasse n'a donné aucun précipité.
— 9 La teinture de noix de gale n'a produit aucun précipité. Ces deux dernières opérations prouvent que ces eaux ne contiennent point de fer en dissolution : d'un autre côté, la même eau évaporée jusqu'à siccité a été traité par l'alcool rectifié. Par ce moyen, on a séparé l'hydrochlorate de chaux qui est soluble dans ce liquide, la portion insoluble traitée par l'eau a abandonné l'hydrochlorate de soude qui est soluble, et a laissé une poudre composée de sulfate de chaux, très peu de silice et un peu d'alumine.
D'après cela, on peut conclure que l'eau de puits tient en dissolution de l'acide carbonique, de l'acide hydrochlorique et sulfurique, de la chaux, de la soude et une grande quantité de silice et d'alumine dans des proportions très variables.
Eau de fontaine
L'eau de fontaine à Solliès-Pont est fournie par une source qui naît au quartier de la Vaquiero près d'une grande cascade de la rivière, à un quart de lieue ouest de la ville ; cette eau est amenée par des conduits aux fontaines de la ville qui sont assez nombreuses.
Cette eau, traitée par les mêmes réactifs que celle des puits, paraît tenir en dissolution des acides sulfurique, hydrochlorique, carbonique, de la chaux, de la soude et de la silice.
Eau de rivière
Cette eau est plus pure à sa source, mais elle change à mesure qu'elle sert à diverses fabriques ; prise à l'est du pays et soumise aux mêmes réactifs, elle contient de l'acide carbonique, de l'acide hydrochlorique, une très petite quantité d'acide sulfurique, de la chaux et de la silice en quantité notable. En la soumettant à l'évaporation jusqu'à siccité, le résidu a pris une couleur brunâtre, due sans doute à une petite quantité de matière végétale tenue en dissolution ou suspendue dans le liquide, peut-être charbonnée par l'action du calorique.
Il résulte d'après cette exposition, que le pays étant abrité des vents du sud par la chaîne de montagnes, recevant librement les rayons du soleil depuis son lever, se trouve dans la meilleure position dont parle le Père de la médecine.
N'y ayant d'ailleurs dans la plaine aucun marécage, les eaux étant parfaitement saines, les productions abondantes, il en résulte les plus grands avantages pour la santé.
Caractères et Mœurs des Habitants.
Les hommes sont en général d'une taille médiocre ; ils ont la peau brune, les cheveux noirs, le tempérament bilieux, fortifié par l'exercice. Ils sont laborieux, sincères, généreux, hospitaliers, sobres, bienfaisants, et surtout attachés à leur religion.
Les femmes sont fécondes, bonnes nourrices, honnêtes, laborieuses, excellentes ménagères ; elles ne sont point malheureuses dans leurs accouchements.
Les jeunes gens sont actifs, laborieux, ennemis de la paresse ; ils aiment aussi les jeux, les amusements de leur âge.
Les jeunes filles ont en partage les grâces et la douceur ; elles sont pubères à l'âge de quatorze ou quinze ans. On voit très peu d'enfants écrouelleux ou rachitiques ; ils sont en général bien conformés, bien portants.
On voit néanmoins peu de vieillards dans un âge très avancé.
La population de Solliès-Pont est d'environ trois mille cinq cents habitants ; elle augmente tous les jours. Les femmes et les jeunes filles excèdent néanmoins le nombre des jeunes gens.
La principale occupation des habitants de cette ville est l'agriculture. Peu se livrent au commerce ou aux arts, et c'est par là que l'abondance est entretenue dans le pays, et que les mœurs ne se dépravent pas.
Depuis le point du jour jusqu'à la nuit tous les instants sont employés à l'agriculture ; aussi le blé y est abondant, quoique quelquefois un peu charbonné. Le vin surabonde et se trouve d'une très bonne qualité. Les fourrages sont plus que suffisants pour la nourriture des bestiaux. Les beaux jardins que l'on entretient avec soin, fournissent des plantes oléracées en grande quantité, surtout des fruits excellents, tels que la poire, l'abricot, la prune, la cerise, etc., entr'autres l'orange et le citron.
Outre l'occupation ordinaire, qui est l'agriculture, plusieurs élèvent des vers à soie ; mais cette branche de commerce est très peu lucrative, parce qu'elle n'est pas assez répandue, et que d'ailleurs on élève peu de mûriers.
Les légumes sont la principale nourriture des habitants ; cependant les plus aisés mangent de la viande fraîche, du bon poisson que l'on apporte de Toulon ou d'Hyères ; d'autres mangent du poisson de la rivière et des fruits. Le pain est de la meilleure qualité ; quelques-uns, cependant, mélangent le froment avec le seigle. Les épiceries sont peu usitées. Le vin est la boisson commune ; ils le prennent avec modération : il est rare de voir des ivrognes.
Aux jours de fêtes et de repos, la première occupation est pour les devoirs de la religion ; ils vaquent ensuite à leurs affaires intérieures ; ils prennent des repas d'amitié dans diverses sociétés, et sur le soir, les jeunes gens se livrent à certains jeux, et surtout à des rondeaux après les repas et pendant le carême. La danse plaît beaucoup aux demoiselles ; les enfants aiment à courir les rues pendant la nuit avec des torches allumées. On aime les jeux de billard, de boules, de paume, la chasse, etc.
La coutume de faire des charivaris n'est pas éteinte dans ces contrées ; c'est une coutume ancienne de faire du bruit et du bruit incommode aux veufs qui se remarient, en leurs faisant des plaisanteries, leur disant des injures et composant des chansons, surtout s'ils n'ont pas donné la pelotte, c'est-à-dire, une certaine somme d'argent pour faire rafraîchir les jeunes gens. Il est bien vrai que plus les hommes se rapprochent des institutions de la nature, plus ils sont à l'abri des passions, des influences du luxe et de tous les malheurs que l'oisiveté et la vanité enfantent tous les jours.
9) L'échelle Réaumur est une échelle de température conçue en 1731 par le physicien et inventeur français René-Antoine Ferchault de Réaumur (1683-1757), qui a défini son thermomètre à partir de la dilatation apparente de l'alcool et en calibrant un intervalle de référence entre le point de congélation de l'eau (valeur : zéro) et le point d'ébullition de l'eau (valeur 80). Ainsi l'unité de cette échelle - le degré Réaumur - vaut 5/4 (ou 1,25) d'un degré Celsius et a le même zéro que le degré Celsius. Son symbole est généralement °Ré, bien que l'on voie parfois °r.